Vous êtes à votre première soirée de swing et soudainement la foule s’organise, les bras ouverts, sourire aux lèvres, elle commence: “shouf-shouf, shou-ti-da. Shouf-shouf, shou-ti-da”. La chorégraphie est connue de toustes et même si l'individualité est au centre, elle synchronise les cœurs et fait grandir un sentiment d'appartenance réconfortant et excitant.
Légende
Les danses swing sont des danses “urbaines”, créées par le peuple africain-américain dans les clubs de jazz, pas par des professionnel·le·s dans les salles de danses. Elles n’ont donc pas beaucoup de documentation et l’histoire du Shim Sham, comme la plupart des chorégraphies, pas et figures de l’époque, n’est pas claire, entremêlant légendes, souvenirs vagues, racontars et, bien sûr, vantardise.
Ce qui est certain est que la célèbre routine est d’abord et surtout une routine issue du Tap Dance. Gregory Hines, célèbre danseur de Tap Dance américain, aurait dit à propos du Shim Sham : “whoever did it, did a great job”.
Voici l’histoire de l’origine du Shim Sham la plus largement répandue :
En 1926, le Vaudeville(1) à succès des Soeurs Whiteman cherche un numéro pour son final qui soit entraînant et facile à apprendre pour réunir tout·e·s les artistes du spectacle. Elles approchent alors deux de leurs danseurs, Leonard Reed et Willie Bryant qui auraient rapidement réuni des pas de tap dance déjà existants, interconnectés de “breaks” simples pour créer une routine plus élaborée.
Les pas utilisés ne sont donc pas leur invention, ils étaient déjà bien connus des artistes, ce qui a facilité sa propagation rapide. Il semblerait que la musique utilisée à l’époque soit la fameuse “Turkey in the Straw” par Banjo Troubadours. Cette musique enjouée plus l’interprétation un peu burlesque de Leonard et Willie lui donnera son premier nom: “Goofus” venant de “goofy” qui se traduit par “loufoque”.
Très vite, le public, conquis, se joint à la fête et la danse devient même un excellent moyen de fidéliser la clientèle: chaque soir une partie de la chorégraphie est montrée à l’assistance, qui est obligée de revenir plusieurs fois pour l’apprendre en entier.
Propagation
Dans les années 30, un employé se fait virer de la revue des soeurs Whiteman et est engagé dans un bar de New York appelé le “Shim Sham Club” où il apporte le Goofy (qu’il dit être sa création). La chorégraphie sera adoptée par les “chorus girls” et rebaptisé le Shim Sham Shimmy en référence évidente au club et aussi aux petits mouvements de poitrine qu’elles ajoutent pour ajouter une note “sexy”.
“La danse s’est simplifiée et a évoluée mais c’était une danse sexy! C’est ce que les filles faisaient: le shim sham shimmy avec des fanfreluches et des talons.” Harold Cromer aka Stumpy
Le Shim Sham se répand vite dans tout Harlem et est dansé à la fin des spectacles par les artistes dans sa version la plus compliquée (parfois avec des claquettes) et par le reste de l’assistance dans une version simplifiée. C’est ainsi que le Shim Sham arrive jusqu’au temple des danseureuses de swing: Le Savoy Ballroom. C’est là que Al Mins, Leon James et Frankie Manning vont l’apprendre et se l'approprier pour en inventer chacun une version différente.
Chorégraphie
Originellement, le Shim Sham semble avoir été dansé en ligne, bras par-dessus les épaules de ses partenaires(gif ci-dessus). Il comporte des double Shuffle, des Cross-over, des Tack Annie, et des Half-breaks. A la fin de la chanson, l’assistance retournait à sa place en exécutant un Trucking.
Au Savoy, il n’était pas dansé par toute l’assistance comme aujourd'hui mais par quelques personnes, sur les côtés de la salle et sur des musiques diverses (n’importe quelles musiques simples dont la structure est AABA, aussi appelées “32-bar songs”). Plusieurs sources parlent de la chanson "The Call of the Freaks" par Luis Russell comme celle utilisée souvent au Savoy pour danser le Shim Sham, sans pour autant devenir la chanson “officielle”.
A la fin des années 40, Al Minns et Leon James, danseurs phares du Savoy, membres des Whitey’s Lindy Hopper, apparaissent sur la première vidéo de Shim Sham connue dans le documentaire "The Spirits Moves".
Cette version de la chorégraphie leur est communément attribuée et est connue sous le nom de “Line Routine” ou “Al & Leon Shim Sham” mais l’origine de celle-ci n’est pas établie.
A la même époque, Dean Collins crée sa version du Shim Sham. Elle est plus compliquée et est créée pour le spectacle, pas pour être dansée en communauté. La routine commence de la même manière mais se transforme peu à peu en numéro de tap dance plus élaboré. Les pas sont beaucoup plus précis et les mouvements du corps et des bras sont eux aussi chorégraphiés.
C’est bien plus tard, à la fin des années 80, qu’un autre danseur du Savoy, membre des Whitey’s inventera la plus populaire des versions, celle dansée aujourd'hui par le plus grand nombre lors des soirées swing: Frankie Manning. Il utilise les pas de bases sans tap et ajoute des Boogie back, des Boogie forward et des Shorty George à la fin de la routine.
Il existe pléthore d’autres versions (comme "The Revenge of the Shim Sham" ou "The Joe Louis Shuffle") et c’est aussi ce qui en fait son intérêt: on peut soit-même inventer des variations et changer des parties. L’important n’est pas l’exactitude mais le partage. Même si on vient de l’apprendre, on se jette à l’eau, c’est aussi comme ça qu’on l’apprend, en le faisant. Plus on le fait, plus on sera confortable. Il s’agit de ne pas se laisser déstabiliser par la créativité des voisin·e·s et de garder le sourire et le rythme!
Comme le dit la chanson: “Tain't what you do, it’s the way that you do it!”
Le Shim Sham rallie, réconforte, énergise n’importe quelle foule, comme lors du 95e anniversaire de Frankie Manning ou lors du confinement en 2020 avec le hashtag @shimshamrelay. Il est célébré par des danseureuses partout dans le monde, faisant de lui un hymne universel.
Musiques les plus connues pour danser le Shim Sham:
Tain't What You Do (It’s The Way That You Do It): Jimmie Lunceford
‘Tain’t What You Do: Billy May
Tain’t What You Do: THE SCHWINGS BAND
Tuxedo Junction- 1989 Remastered: Erskine Hawkins & His Orchestra
The Shim Sham Song: Bill Elliott Swing Orchestra
Découvre notre tutoriel en vidéo sur notre article dédié:
(1) Genre de divertissement théâtral de variétés, consistant en une combinaison rapide de numéros mixtes sans intrigue fermée. Le théâtre Vaudeville, avec ses artistes itinérant.e.s, est extrêmement populaire aux Etats-Unis entre le début du XIXème siècle et le début du XXème siècle, jusqu’à l’avènement du cinéma muet.
Redaction: Hülya Kubbecioglu
Sources
Frankie Manning: The Ambassador of The Lindy Hop. 2007.
Marshall & Jean Stearns: Jazz Dance. 1968.
Pour en apprendre plus sur le swing et son histoire:
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